mardi 15 août 2017

Tallinn, le 15 août


Vers la fin des années soixante la brillante administration soviétique décida de commencer à profiter à son tour de la manne du tourisme international. Tallinn aux portes du monde dépravé et riche était un bon endroit pour bâtir un hôtel afin de récolter la manne capitaliste. Même si les meilleurs architectes et ingénieurs étaient dans le bloc soviétique, on confia aux Finlandais la tâche de bâtir l’hôtel Viru.

En trois ans sans aucun accident, ne croyez rien du feu qui arriva au début de la construction en 69, tout était parfait et les accidents n’arrivaient jamais. La construction était 50% en béton et 50% en micro (selon les mauvaises langues contre révolutionnaire). Le 23e étage n’existait pas et encore moins le contenu d’une chambre où était inscrit sur la porte: siin el ole midagi.


Cet hôtel était un état dans l’état, tous les services requis étaient fournis. Cordonnier, dentiste et même le meilleur chef du bloc soviétique y travaillaient. Les gâteaux produits étaient si bons qu’ils servaient même de monnaie locale.

Travailler dans cet établissement était un privilège. Seul les plus compétents n’ayant aucune parenté hors du pays et ne parlant aucune langue étrangère pouvaient y travailler. Après cette série de test, l’approbation du KGB était requise. Ils étaient plus de 1 000 employés pour moins de 900 clients. Pas de chômage dans le paradis soviétique et le salaire minimum était respecté. La valeur d’un demi œuf par journée de travail.

Avec une telle sélection l’honnêteté des femmes de chambres était proverbiale. Dans les chambres trainaient parfois de petites sacoches, les ouvrir activait une explosion insuffisante pour tuer mais qui alertait ceux qui n’étaient pas dans la chambre vide du 23e.

Boire un café était un privilège accordé par son supérieur aux meilleurs camarades, avec permission on montait au 22e où se trouvait la seule machine. Tout était comptabilisé et faisait partie des statistiques requises en haut lieu.

Une soixantaine de femmes travaillaient fort à enregistrer le moindre déplacement de chacun. Le gérant était super occupé. Il devait autoriser personnellement chaque photocopie demandée avant de consulter le bureau vide du 23e pour approbation. En tout temps il était en communication directe avec le chef du parti local via un téléphone rouge. Son autre téléphone pesait une brique, l’intérieur en plomb ne permetait pas la pose de micro.

C’est encore une propagande antirévolutionnaire qui mentionne que les 400 chambres étaient sous écoute. Il n’y en avait que 60, réservées aux VIP tels les expatriés, les journalistes, les occidentaux et les politiciens. Dans ces chambres le service était cinq étoiles, si quelqu’un se plaignait de l’absence de papier sanitaire, dans la minute on cognait à la porte avec ce qu’Il manquait. (Sans aucun appel à la réception). Si un touriste avait déchiffré le journal annonçant la mort de Brejnev en 1982, il n’aurait pas eu de mal à lire le journal de 1984 annonçant la mort de son successeur. Seul la photo différait, obtenir les autorisations requises pour un nouveau texte étaient trop lourdes.
 
Si un touriste avait le plaisir de partager les charmes d’une belle estonienne, il était filmé et avait ensuite le privilège de collaborer avec les autorités.

Dans le restaurant une table VIP avait une belle assiette de pain avec micro intégré, les pôles de rideaux transmettaient le contenu des conversations dans la pièce vide du 23e. Au bar ce sont les cendriers qui faisaient office d’émetteurs.

Mais venons-en à cette chambre vide du 23e. Une dizaine d’agents du KGB y travaillaient à suivre non seulement tout ce qui se passait dans l’hôtel mais aussi tout ce qui se passait en Estonie. C’était également un centre de contre-espionnage international. Les appareils de communications de l’époque sont encore en place, tel que laissé en 1991. N’en croyez rien elle était VIDE. Payer 12 Euros pour ne rien visiter, c’est ça le capitalisme.

 

En après-midi on visite le musée de l’occupation qui retrace les grandes lignes de l’Estonie de 1939 à 1991. C’est d’abord la première occupation soviétique qui commence en août 41. Les Allemands les chassent en 43, si vous n’étiez pas roms, juifs ou communistes, la période allemande n’était pas si tant pire.


L’armée rouge revint et c’est la terreur stalinienne. Sous Khrouchtchev les choses ‘améliorent un peu, l’hyper centralisation de l’économie étant diminuée. Mais l’insurrection de Budapest en 1956 mets fin aux espoirs des Estoniens. De 68 à 87 ce fut la stagnation complète, plus nécessaire d’aller en Sibérie pour crever de faim.

Puis tranquillement les choses changèrent, le mur tomba et c’est en chantant et en faisant une chaine humaine Tallin à Villemus que les états Baltes retrouvèrent leur indépendance en 1991.


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